Edito du 16 octobre 2016

Nous partons pour la Terre Sainte

Comment partir pour la Terre Sainte ? Une multitude de cultures et de lectures s’impose d’emblée, et le candidat voyageur hésite sur le chemin à choisir : archéologie biblique ? Piété chrétienne ? Curiosité pour le passé (de l’homme préhistorique à Napoléon en passant par Byzance ou les Croisades) ? L’Islam ?
Le visage novateur et créateur d’Israël? L’imbroglio politique et le conflit israélo-arabe ? Ou plus simplement encore, un morceau de plage méditerranéenne ?
Je vous fais grâce de bien d’autres aspects…

Si ce pays est ainsi le point d’entrecroisement de tant de questions, ce n’est pas seulement parce qu’il fait partie des plus anciennement humanisés ou que les plus anciennes cultures y virent le jour, mais surtout parce qu’une piste originelle y a été tracée, chemin d’un antique voyage sans cesse repris au cours des siècles, tantôt par des peuples entiers, tantôt par des solitaires : d’Abraham au Père de Foucauld.

Le propre de ce chemin, c’est qu’il n’a, finalement, pas de terme visible ; c’est que, quelles que soient les convictions ou la foi de celui qui le suit, jamais il ne peut dire « je suis arrivé ».

Le propre de cette terre, c’est qu’elle renvoie toujours à un au-delà d’elle-même : si Rome a été dans Rome, Jérusalem, jamais, n’est dans Jérusalem. Jérusalem, toujours, renvoie ailleurs, puisque, aussi bien pour le juif que pour le chrétien – pour le musulman aussi -, pour l’agnostique ou pour l’athée, ce que cette Terre symbolise échappe à jamais à toute possession : la paix, l’unité des hommes, le bonheur, la liberté, Dieu.

Le bout du chemin n’est jamais atteint, si ce n’est dans une poursuite du chemin. Cette Terre ne se visite pas, car le visiteur n’y peut rien voir, sinon des apparences ; seul celui qui accepte de « se mettre » en route trouve ce chemin secret qui rend toutes les pierres vivantes.

Jean-Marie Lustiger, 1973