Argent liquide
« Quand l’argent précède, disait Shakespeare, toutes les portes s’ouvrent ». Voilà pourquoi l’argent attire et fascine. Tolkien en a montré quelque chose dans le Seigneur des Anneaux. L’anneau, symbole ambivalent : signe de communion des époux, et signe d’enfermement dans un cercle. L’anneau mystérieux forgé par Sauron le Prince des ténèbres donne la puissance mais finit par posséder l’âme de celui qui le porte, et le fait passer peu à peu au pouvoir du Mal. A la fin du roman, Frodon, sur le mont du Destin où brûle la fournaise ardente, doit y jeter l’anneau pour le détruire, mais la convoitise est trop forte et il le passe à sa main. C’est Gollum, emporté par sa passion pour l’Anneau, le Précieux, qui lui arrache le doigt et se jette tout entier dans le feu brûlant. « Si ta main t’entraîne à pécher, dit le Seigneur, arrache la et jette là au loin ».
Mais vous me direz avec raison : nous ne sommes pas saint François, détaché de tout. Nous ne sommes pas non plus Gollum, fasciné par le pouvoir de l’Argent. Nous voulons simplement vivre. Nous avons des enfants, une voiture, une maison… Et tout cela coûte cher. « On ne parle pas d’argent ! » Facile pour ceux qui paraissent détachés des contingences matérielles non pas par vertu, mais par la sécurité de comptes en banque bien remplis…
La Parole du Seigneur s’élève aujourd’hui sur cette difficile question : « Aucun homme ne peut servir deux Maîtres. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». Il s’agit de pas s’asservir à l’Argent, mais de s’en servir. Car il est bon Serviteur et mauvais Maître. Si certains parmi nous souffrent du manque d’argent, ne laissons pas l’inquiétude vous submerger au point de perdre toute confiance en Dieu. Que le Seigneur nous donne le Pain de chaque jour, comme nous le demandons dans la prière. « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Et si certains ont la chance d’être dans l’aisance, qu’ils demandent la grâce de renoncer à l’esprit de possession. Pour cela, il nous faut avoir devant les yeux l’image de notre propre mort. Nous ne sommes finalement propriétaires de rien, sur cette terre. On meurt toujours comme des pauvres. Nous ne sommes que les dépositaires de nos biens. Il faudra bientôt les transmettre les quitter à jamais. Rendez votre argent liquide ! Qu’il circule, sinon il devient une idole figée, une eau morte qui stagne et qui pourrit. Vous ne pouvez pas servir deux Maîtres, Dieu et l’argent. Mais vous pouvez vous servir de l’argent pour servir Dieu.
Père Luc de Bellescize