Edito du 28 mai 2017 A

Long naufrage ?

Nous avons la vocation du Ciel. La volonté de Dieu est de sauver, non de perdre. Aussi nul homme n’est prédestiné à l’enfer. « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, dit saint Paul, et parviennent à la connaissance de sa gloire ». Polnareff chantait : « On ira tous au paradis ». C’est sans doute un peu vite dit, mais on doit tenir que c’est bien là la volonté du Seigneur pour tout homme en ce monde. Il nous faut donc tenir que l’enfer, qui demeure comme une possibilité dramatique de la liberté, consiste à refuser ce que le Seigneur veut pour nous. Comme le disait Lewis qui écrivit les chroniques de Narnia, « les portes de l’enfer sont verrouillées, mais elles le sont de l’intérieur ».

Nous avons la vocation du Ciel. Il nous faudra pourtant retourner à la terre. Pour être élevé il faut accepter de s’abaisser, pour monter, il faut descendre, pour ressusciter, il faut d’abord mourir à soi-même. « Si le grain de blé ne meurt pas, il reste seul mais s’il meurt il porte beaucoup de fruits ». L’exaltation du Christ est un fruit de sa Passion. L’Ascension dans la gloire du Ciel, dans les eaux d’en haut comme le disaient les Hébreux, fait écho au baptême du Christ dans les eaux
d’en-bas
, celles de la mort, où le Ciel s’ouvrit.

Je vois souvent des personnes dont la vie n’est plus qu’un souffle. Elles se tiennent au seuil du Mystère. Le général de Gaulle disait que « la vieillesse est un long naufrage ». Elle est aussi le noviciat du Ciel. La vieillesse, ou la perte progressive de nos capacités vitales, nous configure au Mystère de l’abaissement du Christ, brise la citadelle de l’orgueil humain, afin que nous soyons élevés comme un enfant s’élève dans les bras du Père.

Tel est ce Mystère que nous célébrons aujourd’hui. Un abaissement et une élévation. Tel est ce mystère que nous reproduisons chacun dans nos vies : « Un autre te mettra ta ceinture, dit le Christ à Pierre, et te mènera où tu ne voudrais pas aller ». Le Seigneur nous prépare au grand dépouillement de la mort, comme le grain qui meurt pour vivre à nouveau. Il nous faudra nous dévêtir de nous-mêmes afin qu’il nous revête de lui-même comme on revêt l’enfant de sa robe baptismale, en ce Jour de la résurrection où nos pauvres corps seront semblables à son Corps glorieux.

Père Luc de Bellescize